11 décembre 2005

Lu dans "Libération"...

Modes de vie. 1 500 personnes pour le grand raout SM et fétichiste dans un club parisien.
« Je suis l'esclave de mes soumis »


"Ça n'est «pas négociable», dit la jeune femme en cuissardes et talons pointus avec un grand sourire. Pour franchir le seuil de la nuit Dèmonia, grand rendez-vous annuel de la scène SM et fétichiste, il faut enlever son jean dans le hall de La Loco, la boîte de nuit parisienne où se tient la manifestation. Et le remplacer par une microbande de vinyle, abusivement baptisée «jupe». Bien sûr, si on préfère, il y a aussi ça, propose la jeune femme en montrant une combinaison avec «trous stratégiques» aux seins et à l'entrejambe. Va pour la jupe.
Plus de 1 500 personnes sont attendues ce jeudi soir. «Des maîtres et des maîtresses ont fait le déplacement d'un peu partout en Europe, et même des Etats-Unis», explique Francis, organisateur. Il est 20 heures, la soirée vient à peine de commencer, et, déjà, partout où se porte le regard, du cuir, des bottes, des colliers à pointes, des chaînes, des chairs enserrées, des fentes de latex d'où s'échappent un sein, une fesse, une verge. A gauche, une petite grand-mère moulée de cuir noir promène en laisse un grand drag-queen en perruque bleue. A droite, un couple entièrement encagoulé de latex, une fermeture zippée à la place de la bouche, tente de se dire quelque chose à l'oreille. Un barbu en tutu et talons aiguilles cherche une cigarette. Seule une paire de mocassins de ville aux pieds d'un homme replet entièrement nu rappelle l'existence d'une autre vie, régie par d'autres codes.
Au «coin photo», une jolie brune, la quarantaine, pose en relevant sa jupe. Elle dévoile un tatouage sur son pubis entièrement épilé, et deux anneaux de piercing sur les lèvres de son sexe. «Le tatouage, c'est les laçages d'un corset, mais ça a une autre signification, liée à mon histoire intime», dit-elle. Son mari, un brun jovial en combi short latex, fouille dans un sac et en sort une boule en fer munie d'une courte chaîne. Lentement, avec des gestes précis, il se penche entre les cuisses de sa femme, accroche la boule aux deux anneaux de piercing.
«Le problème...» La séance terminée, Héloyse et Estèphe ­ leurs «pseudos SM», invitent à prendre un verre. Ils sont restaurateurs et négociants en vin, habitués des soirées SM, fétichistes et libertines. «Celle-là, c'est de loin la plus belle en France, disent-ils en choeur. Mais il faut voir ce qui se fait en Allemagne ou en Angleterre. Ils sont beaucoup plus avancés.» Un homme, la cinquantaine, en costume de cuir noir, se joint à la discussion et opine vigoureusement. Pascal ­ son «vrai prénom» ­ dirige la boîte SM Cris et chuchotements, à Paris. «Le problème, c'est qu'on nous colle encore l'image de pervers. On nous prend pour des cinglés, alors que nous sommes des gens sains, qui assumons notre sexualité. Il y a un grand respect dans ce milieu, dit-il, un oeil sur la microjupe vinyle. Tu verras. Il n'y en aura pas un qui te mettra la main au cul ce soir.»
Hedony, 23 ans, grande jeune fille moulée dans une robe couleur chair, tient le même discours : «Il y a des gens de 18 ans et des gens de 70 ans, tous les milieux sociaux, tous les profils, c'est un grand brassage !» La moue dubitative, Estèphe n'est pas tout à fait d'accord. «Y en a marre de dire qu'on est des gens normaux, râle-t-il en contemplant une femme aux seins tire-bouchonnés dans des spirales en fer. Tout ça, tout ce qu'on fait, c'est bien pour ne pas être comme les gens normaux !»
Apothéose. La voix de Francis retentit dans les haut-parleurs. Il est déjà minuit, heure de l'apothéose finale pour le show qui se tient dans la salle principale. Sur la grande scène, Maîtresse Salem, la poitrine débordant d'un corset ultraserré, fouette consciencieusement ses esclaves au dos rougi. A l'étage au dessus, dans une ambiance plus cosy, on dîne chinois et discute. «Il y a autant de pratiques que de pratiquants, philosophe un homme en costume de curé. Chacun définit ses limites.» Une maîtresse infirmière, férue de «flagellation et manipulation médicale», explique son dégoût des trucs «trop hard, quand ça devient boucherie». Elle précise qu'il ne faut pas se méprendre sur le jeu dominant/dominé. «J'ai souvent l'impression d'être l'esclave des soumis. Certains sont extrêmement exigeants, très égoïstes dans leur plaisir.» A côté, Christophe, la trentaine, technicien son et lumière, répète qu'il ne comprend pas «tous ces hommes habillés en femme. Par contre, un plan à trois avec deux hommes pour une femme, ça, c'est clean, c'est cool».
Il est 1 heure et l'on n'a pas encore exploré le sous-sol, rebaptisé Donjon. Francis a conseillé de ne «pas trop se focaliser» sur cette partie «pas forcément représentative». Dans la foule et la moiteur, on ne distingue rien au premier abord. Puis, accrochées au plafond, des chaînes. Et, accrochés aux chaînes, des hommes et des femmes. Ceintrée de cuir rouge, un sourire carmin extatique, une maîtresse approche une paire de testicules avec une cigarette allumée. Une autre fouette à tout va, tandis qu'un homme, à terre, lui lèche goulûment la botte. «C'est de l'avilissement, commente un grand chauve baraqué, sans pour autant détacher les yeux de la scène. L'échangisme, d'accord, mais ça...» Pierre, 29 ans, informaticien, n'est pas du même avis. «Il y a une heure, une femme a accepté de me cravacher. C'était la première fois. J'ai toujours su que ça me plairait, ça m'a extrêmement plu», soupire-t-il. Pierre explique son attirance SM par son «très grand amour de la femme. Il n'y a rien de plus jouissif que d'être aux pieds d'une très belle femme.»
Videurs hilares. A ces mots, une maîtresse en latex dégringole du plafond et met fin à l'interview, talons aiguilles en avant. Il est 3 heures, la fête bat son plein. On décide néanmoins de s'éclipser. Sur le trottoir de la place Blanche, face aux videurs hilares, on fait le bilan de la soirée : un coup de talon aiguille sur le crâne, un autre de plateform shoes au menton, quelques salves de fouet égarées. Mais, c'est vrai, aucune main au cul."
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